La peau de rien

La peau de rien

Zoltan BoszormenyiLe plus souvent Zoltán Böszörményi tente de restituer une identité à l’objet, il joue de l’érosion du temps et recherche désespérément sa place dans l’instabilité des systèmes établis.

Par la multiplicité de sa culture notre poète fut nourri de légendes et de sources mythologiques, l’appel de la mémoire ancestrale le guide en construisant son inconscient.

Par le biais de l’écriture, Zoltán Böszörményi se réincarne, recherche les traces de son existence, recherche ses racines et se met en quête d’identité afin de tenter de se rattacher à la présence universelle du message de l’amour pourtant si fugitif si fragile, qui n’est pas sans réveiller les stigmates du cœur et du corps. (…)

Il joue avec l’alchimie des éléments, il se fait le disciple de Pythagore pour formuler de nouveaux théorèmes sans cesse il veut reconstruire en brandissant son poème comme une bannière militante, oui, Zoltán Böszörményi veut croire aux miracles de la poésie, même si la poésie ne rime pas exactement avec son destin.

(…)

Au-delà de la poésie nous découvrons l’importance de la réflexion philosophique, l’écriture porte la vibration de la modernité, c’est un souffle qui donne une respiration à l’âme, une libération de l’être.

 

MICHEL BENARD


INCARNATION

J’avais existé ou cela n’était qu’une impression,
Je me suis inventé moi-même
C’est moi l’envers de l’existence.

La tolérance : c’est ma vie.
L’être : l’irréalité, la nostalgie.
Je peux me fier à l’incarnation ?

Je flotte là-dedans en oubliant mon moi,
Je dorlote l’extase de la liberté
Serait-ce la preuve de mon existence ?

Si je crois dans la certitude et
Dans l’éternité de la présence de l’amour,
La haute raison m’aiderait-elle à exister ?

ENCOURAGEMENT DE PRINTEMPS DE MAJORANNA

Résiste encore un peu,
Tiens, juste un éclat,
Jusqu’à l’ouverture de l’âme.

Résiste encore un peu,
Un instant peut-être,
Que mon envie change de costume.

Résiste encore un peu,
Le temps d’un petit souffle
Que mon sourire t’enlumine.

CHEZ  SOI

Dans un poème à habiter
Chaque phrase se sent
Chez soi.

DANS  LE  JARDIN

Au-dessous de
Verts jardins
Le désir
Regarde en arrière

COUP  D’ŒIL

Avec mon regard
Doucement
Je cloue
L’horizon.

DES  NUAGES

Temps
Et
Espace
Se dissipent
Dans la douce
Nuit.

IMPORTANT

Rien de plus important
Que l’éternité
Peut- être uniquement
L’éternité.

L’INSTANT

L’instant m’a pris la main
Pour un peu de miracle
Sous les palmiers,
Il s’est enfui avec moi
Jusqu’au coin de la rue.

LE  TEMPS

En moi le temps
Est malade à en mourir
Dehors on le soigne
A l’intérieur
Il tremble.

QUE  TON  ÂME  NE S’INCLINE PAS  VERS  LA TERRE

Le papier est rugueux de mots
Immense armée
Disciplinée
La résolution reflétée par des visages de lettres
L’épine surgit si l’on y jette un coup d’œil
Ça file doucement à travers ton cœur
Pourvu que ton âme ne s’incline pas vers la terre.

ETE

Entre les pierres
L’été est moulu
Les hivers emportent
Sa farine
Les fêtes poussent
Elles grossissent

BLEU

Le soir cache
Des portes
Personne n’y frappe
Personne n’y sonne
Pourtant
De toute ses forces
Et sans pouvoir l’arrêter
Notre destin y circule
Sans cesse.

La peau de rien, L’Harmattan, 2007