T’en es-tu rendu compte ? –
le corps est un terrain travaillé par le rêve de la terre,
et à chaque fois que tu éprouves
le chuchotement d’arbres songeurs dans l’hiver de cristal,
la caresse du dard de l’été,
tu sens
que l’amour se fait fleuve,
qu’il arrose ton pays natal, ses contrées respirantes
et que du grain semé
s’élève un épi de vie
dans le giron des aubes qui glorieusement tanguent.
Un chapelet de pensées
tressaute sur la nuque des palmiers.
L’existence émiettée par le temps,
le patient visage des fleurs filtre la lumière.
Des piliers de vapeur surgis de l’océan
s’élèvent en direction de l’effritement des cieux.
L’air écorchant le corps des vagues,
au-dessus du maquis, un colibri lévite.
Sur le sable de la rive marche un Dieu vivant.
Un tissu tissé d’irréel pur,
voilà ce que j’ai acheté :
facile à mesurer,
à débiter d’un cœur léger, puis
à confier au tailleur, qui,
en proie au doute,
dodeline de la tête,
le prend et le reprend entre ses doigts,
curieux de voir
de quelle matière il est tissé,
si la maille en est assez fine
et le tissage, exempt de menus défauts
que lui, l’homme du métier,
découvre au premier toucher,
puis il empoigne soudain
le tissu en son milieu,
voulant aussi vérifier
si cette étoffe se froisse,
ou, comme si de rien n’était,
oublie son geste brusque
se lisse, et reprend le pli.
Finalement,
il relève la tête et déclare :
on peut, mon bon monsieur, tailler un costume dans ce tissu
– mais qui donc saura le porter ?
Aux croisements de la vie
des panneaux indicateurs :
par ici on peut s’enfuir,
mais pas par là,
l’enfer c’est par ici,
et par là le paradis.
L’un a du sens,
l’autre, de la profondeur.
L’un est ouvert,
l’autre recèle ses secrets.
Tous deux relèvent de l’art de l’impossible.
Des questions tendancieuses,
des réponses tues,
de la vision du monde,
de l’opinion qui danse sur la lame du couteau.
Au-dessus de l’abîme,
quel esprit survivra ?
Celui qui a l’équilibre,
l’équilibre et le vouloir,
et l’étreinte d’un destin.
La forme est aveugle.
Pourtant, il y a une happy face
dessinée au bas du papier.
jour après jour j’observe
ces hommes qui pèchent dans l’océan
je voudrais être parmi eux
j’envie leur apesanteur et
j’envie le poids de leur vie
j’envie leurs gestes
quand ils plongent dans l’inconnu